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L’apprentissage de la coopération sur mer - Création du Conseil naval interallié

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Le Conseil naval interallié est créé lors de la Conférence de Paris des 29 et 30 novembre 1917. Il apparaît comme le pendant naval du Conseil supérieur de guerre interallié, institué au début du même mois à l’issue de la Conférence de Rapallo, dans le contexte du désastre de Caporetto, lourde défaite italienne suite à une offensive austro-allemande (24 octobre-9 novembre). Les logiques qui ont conduit à sa mise en œuvre remontent trouvent leur origine dans la nécessité de faire face aux campagnes de guerre sous-marine lancées par l’Allemagne dès 1915.

 

Lorsque le conflit s’ouvre en 1914, le rapport de force joue clairement en faveur de l’Entente et tant que les escadres allemande et autrichienne peuvent être tenues en respect, les principales voies de communication alliées semblent sécurisées. Tout juste est-il nécessaire d’organiser conjointement la défense de la Manche, où il est décidé dès août 1914 que les Britanniques assumeront le commandement en chef. Les Français se concentrent ainsi en Méditerranée pour contrer la marine autrichienne et pour parer à une éventuelle entrée en guerre de l’Italie dont la neutralité n’est pas encore acquise.

La guerre sous-marine vient changer la donne. Arme connue de tous les belligérants, l’étendue de son impact sur la conduite de la guerre n’a pas vraiment été anticipée. Progressivement utilisé par les Empires centraux pour s’en prendre au trafic marchand, le sous-marin force les marines alliées à disperser leurs unités légères pour patrouiller de vastes étendues.

 

Guerre sous-marine à outrance

Peinant à trouver suffisamment de navires, de même que les hommes pour les armer, le Royaume-Uni, la France, et l’Italie (qui rejoint le conflit en mai 1915) sont contraints de coopérer pour mieux répartir leur effort. Les conférences navales de Paris en décembre 1915, puis de Malte en mars 1916, attribuent à chaque puissance des zones de patrouille en Méditerranée, mer où les trois alliés sont présents, et où les U-boots provoquent de lourdes pertes. La méthode n’est pas satisfaisante, mais le sentiment de l’urgence ne s’impose pas encore.

© Marine Nationale

(Légende) Graphique indiquant les pertes de navires marchands (courbe du haut) par rapport à la construction navale (courbe du bas) dans le monde entre 1914 et 1917. Avec la guerre sous-marine à outrance menée par les empires centraux, le nombre de navires coulés augmente considérablement à compter du deuxième semestre 1916. Des pertes qui ne sont pas compensées par l’augmentation de la production des chantiers navals.

Ce n’est plus le cas au tournant de l’année 1917 où, après plusieurs mois de pertes élevées, le lancement d’une grande campagne de guerre sous-marine à outrance ouvre de sombres perspectives pour l’Entente. La Grande-Bretagne a conscience qu’elle peut être contrainte à la paix par manque de tonnage marchand. Lors de la conférence navale de Londres des 23 et 24 janvier 1917, le Premier ministre Lloyd George exhorte les alliés à agir comme un seul et même pays. De fait, on décide la création d’un comité international d’affrètement pour rationaliser les importations et l’allocation du tonnage. Les conférences navales se succèdent tout au long de l’année 1917. On y décide, enfin, le remplacement du système de zones en Méditerranée par une direction commune des routes. Mais la véritable clé de la victoire réside dans la généralisation, l’année suivante, de la navigation en convois.

La création du Conseil naval interallié se place dans la continuité de cette dynamique de dialogue et de coordination. Difficile cependant parler d’une rupture. Dans les faits, il perpétue en la systématisant la pratique des conférences navales de l’année 1917. Contrairement au Conseil supérieur de guerre de Versailles, il ne mobilise pas en un même lieu et de façon permanente des représentants militaires dédiés. Seul son secrétariat, basé à Londres, dans les bureaux de l’Amirauté, est permanent.

 

Conférence régulière des chefs d’Etat-major

L’organe clé de la nouvelle structure est le conseil, c’est-à-dire la conférence régulière des chefs d’Etat-major généraux des marines anglaise, française, italienne, américaine et japonaise. Cependant, pour des raisons pratiques, c’est le vice-amiral Sims, commandant les forces américaines dans les eaux européennes, qui représentera son pays. Le Japon, pour sa part, dépêchera son attaché naval à Londres. Le ministre de la Marine de la nation invitante préside la séance. Les réunions du conseil se déroulant essentiellement à Londres et à Paris, ce rôle sera tenu respectivement par sir Eric Geddes, Premier Lord de l’Amirauté, et par le ministre français Georges Leygues.

Les marines alliées alimentent l’ordre du jour via leurs officiers de liaison auprès du secrétariat permanent. Les sujets sont variés, allant de discussions sur la situation navale générale à des considérations beaucoup plus techniques. Parmi les sujets abordés, sans surprise, beaucoup se rapportent à la guerre sous-marine et à ses conséquences : barrages contre les sous-marins dans le canal d’Otrante et dans le Pas-de-Calais, rendement des navires de commerce, renflouement et réparation des navires avariés, allocation des unités légères américaines et japonaises, extension du système de convoyage à la Méditerranée entre autres.


 

© MN - Plan du Conseil naval interallié détaillant les différentes « barrières de mines » destinées à empêcher le passage des sous-marins austro-allemands entre Otrante (Italie) et de l’île grecque de Corfou.

 

Vives tensions sur le théâtre méditerranéen

Certaines discussions peuvent faire apparaître de vives tensions. C’est principalement le cas lorsque l’on parle du théâtre méditerranéen, et particulièrement de l’Adriatique. Considérant cette mer comme un espace réservé, l’Italie se retrouve régulièrement isolée face à ses partenaires lorsqu’il est question de transférer certaines unités qui y sont stationnées au profit des patrouilles dans le reste du bassin méditerranéen. Cependant, le Conseil naval ne peut pas contourner la souveraineté des puissances. Il ne peut émettre que des recommandations, qui en théorie n’engagent pas les parties. Mais le fait que ces recommandations soient prises à l’unanimité par les principaux chefs de marines alliées doit donner quelques garanties quant à leur exécution.

© DR - vice-amiral Sims, commandant les forces américaines dans les eaux européennes

 Le Conseil naval n’a pas non plus vocation à endosser la responsabilité du commandement des forces. Il n’émergera pas en son sein l’équivalent du Grand Quartier Général des Armées Alliées. Dans les faits, les Britanniques exercent déjà la direction générale des opérations en Mer du Nord et dans la Manche, où leur leadership est incontesté. C’est en dehors de l’enceinte du Conseil que ces derniers tentent, en vain, d’imposer un amiralissime en Méditerranée à partir du printemps 1918. Cette dernière restera marquée par la persistance d’un pré-carré italien en Adriatique, et par une prépondérance anglaise réaffirmée en Méditerranée orientale.

 

 

VALENTIN ABEGG


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