Boris Diaw, Basketteur international, champion d’Europe (2013), capitaine de l’équipe de France depuis 2006
À 36 ans, Boris Diaw, le capitaine de l’équipe de France de basket et champion de NBA (2003-2017), vient de rejoindre officiellement la Marine. Il intègre le Groupement des fusiliers marins (GFM) de Toulon en tant que réserviste citoyen. Le nouveau lieutenant de vaisseau s’est confié à Cols Bleus, en compagnie du lieutenant de vaisseau Jérôme, avec lequel il partage un solide esprit d’équipage.
COLS BLEUS :Racontez–nous votre rencontre.
Lieutenant de vaisseau Jérôme : Elle a eu lieu il y a trois ans. À l’époque, j’étais commandant d’une unité de fusiliers marins basée dans le centre de la France. Par le biais d’un de mes chefs de groupe, nous avons découvert que Boris était très actif au Sénégal, à Thiès, avec le projet de créer un pôle d’excellence sportif. Cela nous a beaucoup plu. Étant donné le lien que nous avions avec le Sénégal, je me suis rapproché de son association pour savoir si, d’une manière ou d’une autre, nous pouvions apporter notre aide.
Boris Diaw : Nous avons réfléchi à mettre des choses en place. Cela a commencé par une visite chez moi, au bassin d’Arcachon. Nous avons échangé sur le fait d’être fusilier marin et sportif de haut niveau. Ensuite, nous avons organisé un voyage aux États-Unis.
LV J. : Effectivement, nous avons été accueillis une semaine par Boris au sein des San Antonio Spurs, l’une des franchises les plus prestigieuses du championnat américain (NBA). C’était extraordinaire. À notre tour, nous l’avons invité à une première immersion il y a deux ans, au sein de la Force des fusiliers marins et commandos (Forfusco) à Toulon. Il a été reçu et intégré au sein du groupement et du commando Hubert. Nous avons reproduit cet échange l’année dernière. Cela a donné envie à Boris d’intégrer plus concrètement la Marine.
C. B. :Qu’est-ce qui vous a rapprochés ?
B. D. : (Rires) Avant tout, le désir commun de partager l’expérience. Je me souviens qu’une fois, lors du championnat d’Europe avec l’équipe de France, il y a eu des échanges avec le sélectionneur. Il y a beaucoup de similitudes entre le coach d’une équipe de basket et le capitaine qui est en charge d’une équipe de marins dans la gestion humaine. Il y a aussi une amitié, des affinités qui se sont développées au fur et à mesure.
LV J. : Il y a eu un concours de circonstances. Lors de ma prise de fonctions au Groupement des fusiliers marins de Toulon (GFM) en tant qu’officier opérations, j’ai participé à un renfort de sécurité à Montpellier où l’équipe de France jouait le championnat d’Europe de basket. Nous nous sommes donc retrouvés par le plus grand des hasards, ce qui nous a encore rapproché avec d’un côté la compétition pour Boris et, de l’autre, l’engagement opérationnel pour nous.
B. D. : Il faut savoir aussi que le capitaine est un bon joueur de basket (rires) ! On a aussi cette passion en commun, on continue à jouer au basket.
LV J. :À 45 ans, ça va être bien difficile (rires) !
C. B. :Boris, qu’est-ce qui vous a fondamentalement poussé à vous engager au sein de la Marine ?
B. D. : Cela s’est fait progressivement. Dès ma première visite ici, j’ai ressenti de l’intérêt pour la Marine nationale, pour les valeurs qu’elle peut apporter et ses missions. Je me suis dit « pourquoi ne pas sauter le pas » et faire partie de la réserve. Cela me tenait à cœur.
J’ai toujours aimé le milieu marin, la mer.
C. B. :Quelles valeurs avez-vous en commun, vous capitaine, et vous Boris, en tant que
capitaine de l’équipe de France de basket ?
LV J. : Nous faisons tous les deux partie de l’équipe de France. Vous avez un capitaine d’équipe de France avec un capitaine d’équipe de France. Boris défend les valeurs de la France, sportives certes mais pas uniquement. Il l’a fait sur tous les parquets du monde. Nous partageons les mêmes valeurs. J’ai pu m’en rendre compte avec d’autres joueurs de l’équipe de France. C’est quelque chose qu’ils ont viscéralement en eux, en tant que compétiteurs mais en tant que citoyens également.
B. D. : J’ai porté le maillot de l’équipe de France à travers le monde, j’ai pu représenter la France grâce au basket. La Marine le fait aussi. La Marine et le basket ont des valeurs communes : la combativité, la persévérance, l’esprit d’équipe. On retrouve dans le sport collectif le fait de travailler en groupe resserré et pour ses partenaires.
C. B. :Boris, dans la lettre de motivation que vous avez rédigée pour votre engagement, vous dites être un « marin aguerri »…
B. D. : J’ai mon permis côtier depuis 14 ans. Je navigue notamment sur le bassin d’Arcachon, chaque été. Et j’ai déjà fait quelques traversées en catamaran à voile, par exemple entre Toulon et la Corse.
C. B. :Vous disiez aussi avoir été marqué par le « sens de l’engagement » et la « richesse » des expériences des marins que vous avez pu côtoyer ou lors d’immersions au sein du GFM ?
B. D. : J’ai eu la chance de découvrir l’étendue des missions de la Marine. J’ai constaté le don de soi pour la France et pour la Marine. Cela va du maître-chien jusqu’au sous-marinier,
en passant par le pilote de l’aéronautique navale et le nageur de combat ! Il y a beaucoup à
apprendre.
C. B. :Justement, qu’avez-vous appris ou observé lors de vos immersions au sein du GFM ?
B. D. : J’ai pu voir, sur un temps réduit, comment fonctionnent les différentes unités, que ce soit les bâtiments, (il a embarqué sur le porte-avions Charles de Gaulle), la cynotechnie, les plongeurs démineurs… Tout le monde a un rôle bien défini et chacun a son importance. Par exemple, un remorqueur comme le Bélier est prépondérant pour l’entrée des bâtiments dans le port de Toulon.
C. B. :Capitaine, comment avez-vous jugé le niveau de votre stagiaire ?
LV J. : Exceptionnel ! Sur les deux immersions, nous avons essayé de mettre en place le puzzle le plus complet possible pour lui montrer la Marine. C’est grâce à cette curiosité et l’échange avec l’ensemble des personnes qu’il a rencontré qu’il est devenu un visiteur hors du commun. Et plus qu’un visiteur, c’est un véritable acteur. Notre objectif est de l’impliquer dans nos activités. Il a désormais le statut de réserviste citoyen, lui permettant de participer à nos missions.
C. B. :Boris, comment allez-vous combiner vos périodes de réserve et vos obligations professionnelles et personnelles ?
B. D. : Jusqu’ici, ma carrière sportive me prenait du temps. Je suis plutôt sur la fin. Lorsque je prendrai prochainement ma retraite (il a 36 ans), j’aurai plus de temps à consacrer. Mais pour l’instant, il n’y a rien de défini pour mes activités parallèles. Ce sera en fonction des demandes et des besoins…
LV J. :… ou des opportunités. La planification d’une unité comme le GFM de Toulon ne connaît pas de temps faible, le rythme est toujours élevé au travers de notre calendrier d’engagement opérationnel. Il s’agira d’impliquer Boris au meilleur niveau d’intérêt, à la fois pour lui et pour l’unité.
C. B. :Quel rôle un réserviste comme Boris Diaw va-t-il jouer ?
LV J. : Nos unités reçoivent de nombreux visiteurs. Il faut faire vivre l’histoire et l’image de la Marine. Nos concitoyens ont besoin de savoir et comprendre ce que nous faisons. Nous avons tissé des liens avec Boris. Un échange profond s’est créé. Nous aurions tort de réduire Boris à son seul rôle de capitaine de l’équipe de France de basket.
C. B. :Boris, comment abordez-vous cette nouvelle étape dans votre vie ?
B. D. : C’est un peu une nouvelle carrière qui commence ! Je savais depuis longtemps que je ne pourrais pas jouer au basket ad vitam æternam. J’ai beaucoup de centres d’intérêt pour lesquels je pourrai utiliser mon temps. Je ne me fais de soucis par rapport à ça. Le fait d’être réserviste citoyen aujourd’hui va me permettre de faire quelque chose que j’aime, autre que le basket.