En patrouille, le SNLE est en opérations en permanence, ce qui implique une vigilance de tous les instants. Il doit rester indétectable et doit, pour cela, compter sur ses propres capteurs et l’analyse des informations tactiques qui lui sont envoyées. En patrouille, le SNLE est seul et n’a pas d’alliés.
Il doit être prêt à exécuter l’ordre présidentiel, ce qui implique une disponibilité du système d’armes de dissuasion et une capacité à recevoir les ordres et directives de la terre. Cette exigence fait partie du quotidien des sous-mariniers, mais aussi des marins des centres de transmissions dédiés (CTM).
Témoignage
« Une patrouille de SNLE : une aventure humaine, technique et opérationnelle », par un ancien commandant de SNLE
En quoi consiste une patrouille de SNLE ? Quels en sont les enjeux ? Comment se prépare-t-elle et, surtout, comment se conduit-elle à la mer ?
Certains s’imaginent peut-être une mission routinière, alors qu’il s’agit bel et bien d’une aventure humaine, technique et opérationnelle extraordinaire. Pour le commun des mortels, cela reste quelque chose de mystérieux : que font ces sous-mariniers sous l’eau pendant plusieurs mois ? Parfois, règne chez nos compatriotes une confusion entre deux exigences, mise en œuvre des armes et mise en œuvre de la dissuasion. L’une est du domaine du savoir-faire « être en mesure de… », l’autre exige une activité soutenue au quotidien, car la conduite d’une unité aussi complexe qu’un SNLE, représente un formidable défi technique et humain.
La préparation commence bien en amont, plusieurs mois avant le départ en patrouille. Elle couvre l’ensemble des domaines qui permettront au sous-marin de durer à la mer et de faire face à tout imprévu. Chacun à bord le sait bien : en patrouille, le SNLE est en opérations H24, ce qui implique excellence et professionnalisme de tous les instants. L’entraînement, à terre comme en mer, est indispensable car, à chaque cycle, entre un tiers et un quart de l’équipage est renouvelé. Etre en mesure de réagir à une avarie, conduire les installations en mode dégradé, faire face à une situation opérationnelle complexe, tels en sont les principaux attendus. Cette préparation opérationnelle et technique est aussi humaine : visite médicale approfondie pour s’assurer du bon état de santé de chacun, lien avec les familles qui enverront chaque semaine les fameux « familis », 40 mots, pas un de plus, auxquels le marin ne pourra pas répondre.
Enfin, le jour de l’appareillage arrive, le SNLE s’ébranle tenu par plusieurs remorqueurs avant d’embouquer le goulet, escorté par des vedettes de gendarmerie et des fusiliers marins et protégé par un dispositif terrestre. En surface et dans ces passages resserrés, le sous-marin est davantage vulnérable, il a alors besoin de moyens extérieurs pour assurer sa protection. Un bâtiment, patrouilleur de haute mer ou frégate anti-sous-marine, est chargé de l’escorter jusqu‘au large avant que le sous-marin ne se dilue dans l’immensité des océans. Sauf urgence, il ne donnera plus de nouvelle pendant près de deux mois et demi.
Pour le commandant, il s’agit, tout au long de la patrouille d’assurer, sans soutien extérieur, la disponibilité des installations, à commencer par le système d’armes de dissuasion, ce qui exige notamment une navigation précise. Pour réaliser sa mission, il doit aussi être capable de recevoir des consignes de son contrôleur opérationnel ou les ordres présidentiels. Enfin, il doit rester en permanence invulnérable c’est-à-dire indétectable. Cet impératif amène le commandant à anticiper au maximum. Que feront, par exemple, ces nombreux bâtiments qui participent à un grand exercice OTAN ? Iront-ils en escale ou rentreront-ils à leur port base ? La prudence commande de prévoir plusieurs hypothèses car les changements de programme sont fréquents. Il faut aussi éviter les comportements répétitifs pour ne pas donner d’indice de présence.
Régulièrement, et sans préavis, un exercice de lancement simulé est organisé sur ordre des autorités à terre. Chacun rallie alors son poste de combat pour y dérouler les actions prévues.
Disponibilité, invulnérabilité, sûreté des transmissions et précision de la navigation, tels sont les paramètres de l’équation que le commandant doit résoudre, et tout cela, dans la durée.
Je me souviendrai toujours de ce jeune matelot, volontaire, chargé du tri et du compactage des déchets qui faisait son travail avec enthousiasme et application. Au bout d’une quarantaine de jours, il me demanda « commandant, quand cela va-t-il s’arrêter ? ». Derrière cette question naïve, il touchait du doigt les exigences de la permanence, une mission qui ne s’arrête jamais.
Durer à la mer est à la fois une nécessité et un véritable défi en l’absence de soutien extérieur quand on sait qu’un SNLE compte quelques 70 000 équipements différents.
Tous ceux qui ont vécu une patrouille de SNLE en retirent une grande fierté, celle d’avoir contribué à la permanence à la mer de la dissuasion, facteur de puissance et d’indépendance stratégique mais aussi celle d’avoir vécu en équipage une véritable aventure humaine, coupée du monde.
Questions à
CF Jean-Philippe Anché commandant du centre de transmissions marine (CTM) de Rosnay
Quel est votre rôle comme commandant ?
Ma mission est d’être capable de transmettre à tout moment l’ordre présidentiel vers le SNLE assurant la permanence de la dissuasion à la mer. Au quotidien, nous émettons tous les ordres et les informations nécessaires à la conduite des missions des SNLE et des SNA, après leur préparation et leur mise en forme par le Centre opérationnel des forces sous-marines (CENTOPS) à Brest. Nous nous entraînons régulièrement à transmettre en totale autonomie et même sous menace.
Quelles exigences en terme de disponibilité ?
Quelle qu’en soit la nature, que ce soit pour une maintenance, un accident, un problème technique ou un aléa météorologique, leur rétablissement rapide est une priorité. La formation, le dimensionnement et le rythme des équipes de service sur le CTM sont liés à ce besoin. Il nous faut disposer en permanence sur le site du personnel capable d’assurer une intervention immédiate permettant d’émettre dans les plus brefs délais.
Focus - Le SNLE en patrouille
CF Ludovic, chef du bureau [N5] de la division opérations des forces sous-marines
En quoi consiste le contrôle opérationnel d’un SNLE en patrouille ?
Le Centre opérationnel des forces sous-marines (CENTOPS FSM) permet à Alfost d’assurer sa responsabilité d’unique contrôleur opérationnel des sous-marins français. En pratique, la mission des marins est de fournir au commandant du SNLE en mer toutes les informations dont il a besoin pour conduire sa patrouille, sans jamais mettre en cause sa sécurité ni sa discrétion.
En quoi ce travail est-il spécifique ?
La complexité et l’exigence de ce métier résident dans le fait que le commandant du SNLE dispose d’une immense liberté de manœuvre, qu’il ne peut ni poser de question, ni demander de l’aide sans compromettre sa mission. Il faut donc lui fournir les informations dont il a besoin sans connaître sa position. D’où une somme importante de données à traiter dans tous les domaines (météo, renseignement…). Il appartient au CENTOPS FSM de les trier, les vérifier, les synthétiser et de les mettre en forme pour les transmettre au SNLE via les CTM.
Pour assurer un contrôle opérationnel efficace, il faut en permanence se mettre à la place du SNLE en patrouille.