Depuis la base navale de Port-des-Galets, à La Réunion, le nouveau patrouilleur polaire L’Astrolabe conduit des missions de souveraineté en océan Indien. Il descend ensuite « toujours plus Sud » pour soutenir les travaux de recherche scientifique effectués en Antarctique et servir ainsi les intérêts nationaux.
Un partenariat inédit
Rédigé en collaboration avec l’IPEV et l’administration des TAAF
Fait inédit pour la Marine, L’Astrolabe est le premier bâtiment qu’elle a conçu et exploite dans le cadre d’un partenariat tripartite. Elle met en œuvre ce brise-glace, propriété des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), afin d’assurer des missions de ravitaillement au profit de l’Institut polaire français Paul-Emile Victor (IPEV) en Antarctique. Le bâtiment est ainsi utilisé 4 mois durant l’été austral au profit de l’IPEV, le restant de l’année étant dédié aux missions de souveraineté, à l’entraînement et aux opérations de maintenance.
L’Astrolabe, maillon de la chaîne logistique
L’IPEV est la structure mandatée par l’État français depuis 1992 pour coordonner, soutenir et mettre en œuvre les projets scientifiques et technologiques dans les régions polaires et subpolaires. Il regroupe des professionnels des infrastructures et de la logistique en zone polaire, ainsi que toutes les compétences spécifiques liées à ces milieux extrêmes. La Marine, qui arme L’Astrolabe en permanence, a pour mission de soutenir la logistique mise en place en assurant le transport de fret et de personnels scientifiques et techniques entre la ville d’Hobart, en Tasmanie, et la terre Adélie. Pendant les 120 jours que dure l’été austral, du mois de novembre à février, L’Astrolabe effectue plusieurs rotations pour ravitailler les stations de recherche gérées par l’IPEV : Dumont d’Urville, située sur la côte, et Concordia, base franco-italienne installée sur le plateau continental à 1 100 kilomètres de ce premier point. Cette desserte maritime s’inscrit dans une organisation logistique plus large, orchestrée par l’IPEV : elle complète la desserte aérienne effectuée avec l’Italie, les États-Unis et l’Australie et la desserte terrestre, sous forme de raids acheminant le matériel entre la station annexe Robert Guillard, bâtie à Cap Prud’homme, et Concordia.
Des débuts prometteurs
La première campagne logistique de L’Astrolabe, qui s’est tenue au cours de la saison 2017-2018, a permis d’effectuer au total 5 rotations : 3 par l’équipage A, puis 2 par l’équipage B. Période de mise en application du partenariat, elle a été pour eux l’occasion de découvrir les méthodes de travail de chacun et de rechercher ensemble la meilleure configuration. Leur action en tandem a permis le convoi d’environ 200 scientifiques, ingénieurs ou techniciens, ainsi que le transport d’un nombre plus important de conteneurs qu’à l’accoutumée, en raison de la capacité de chargement supérieure de L’Astrolabe comparativement à son prédécesseur. Les enseignements et le bilan positif tirés de ce premier retour d’expérience permettent d’aborder avec sérénité les missions à venir.
« P800 : l’aventure d’une vie ! »
Par les deux premiers commandants de L’Astrolabe, les capitaines de frégate Céline Tuccelli (équipage A) et François Trystram (équipage B)
Près de 70 ans après les expéditions effectuées par l’aviso Commandant Charcot pour installer une station permanente en terre Adélie, L’Astrolabe permet à la Marine nationale de retrouver l’Antarctique. Ce retour, nous l’avons longuement préparé, en nous appuyant notamment sur l’expérience de nos prédécesseurs. Les équipages A et B ont ainsi eu l’honneur d’échanger avec le capitaine de vaisseau Jean-Jacques Vaury, dernier officier vivant ayant pris part à l’aventure de 1951. À présent, c’est une nouvelle histoire, notre histoire, que nous écrivons à bord de ce nouveau bâtiment admis au service actif en 2017.
Être marin sur L’Astrolabe, c’est vivre en équipage une aventure exceptionnelle, de celles qui marquent toute une vie. S’extasier devant la majesté d’icebergs colossaux, ressentir intensément les chocs et les craquements sinistres des coups de boutoir de l’étrave contre le pack(1), prendre conscience du maillon vital que nous sommes dans la fragile chaîne logistique entre le monde des humains et celui des exilés volontaires sur ce continent glacé, sont autant de sensations hors du commun.
Pour autant, gare aux désillusions : cette affectation n’a rien d’une croisière. Rares sont les moments où le marin peut s’offrir le luxe d’être le spectateur d’un paysage grandiose. À 21 à bord, chacun se doit d’être acteur en permanence. Pour l’équipe passerelle et le binôme commandant – commandant en second, cela implique de longues heures par tiers ou bordée en navigation dans les glaces, milieu où choisir une mauvaise option peut coûter très cher. Pour les deux mécaniciens et les deux électriciens, qui doivent gérer toutes les avaries que le froid extrême peut provoquer, cela signifie que l’autonomie et l’ingéniosité sont capitales. Pour les équipes logistiques et du poste aviation, cela implique de longues journées sur le pont par -20°C, à charger et décharger la cale. Quant à l’équipe médicale et au secteur vivres, ils veillent au confort, au bien-être et à la santé de la quarantaine de passagers. Vous l’aurez compris, le P800 n’est pas une sinécure ! Des formations spécifiques, un solide mental et un engagement enthousiaste sont la clé de la réussite.
L’activité de L’Astrolabe, rythmée par les saisons, représente environ 300 jours d’absence du port-base par an : en été austral, 4 à 5 rotations entre Hobart et la terre Adélie ont lieu en 4 mois, puis, en hiver, 2 à 3 missions de souveraineté sont effectuées au profit du commandant supérieur des Forces armées en zone sud de l’océan Indien (COMSUP FAZSOI). Il s’agit alors principalement de patrouilles de police des pêches dans la zone économique exclusive des îles australes. Une relève d’équipage est assurée en milieu de mission à Hobart, puis entre chaque déploiement, soit tous les 2 mois.
Ces missions nous offrent des rencontres passionnantes avec les expéditionnaires, saisonniers ou hivernants d’horizons extrêmement variés : glaciologues, ornithologues, météorologistes, techniciens et artisans, pilotes et mécaniciens d’hélicoptères. Les plus anciens ont toujours mille aventures à conter aux novices qui découvrent ces lieux mythiques, parmi les seuls accessibles uniquement par la mer.
(1) Banquise dérivante en plaques plus ou moins larges.
À RETENIR
• Sous le 60e parallèle Sud, la Marine assure des missions de soutien logistique au profit des TAAF et de l’IPEV.
• L’Astrolabe est le premier brise-glace armé par la Marine et le premier bâtiment qu’elle exploite dans le cadre d’un partenariat tripartite.
• Grâce au double équipage, ce navire polaire est déployé environ 300 jours par an.