Dans les airs, à la surface ou sous la mer, les drones seront de plus en plus présents d’ici à 2030. Complémentaires des plates-formes habitées, qui restent les effecteurs principaux, ils démultiplient l’efficacité du bâtiment à bord duquel ils se trouvent, en particulier par leur endurance.
Drones aériens tactiques et de contact
En matière de drones aériens, la Marine a adopté une démarche incrémentale, prenant en compte les avancées technologiques et le retour d’expérience. La priorité est la montée en puissance des drones embarqués, avec les programmes SDAM (système de drone aérien pour la Marine) et SMDM (système de minidrone Marine). Drone tactique persistant (10 h d’autonomie, multicapteurs, 200 km de portée), le SDAM étendra la portée des capteurs d’un bâtiment de combat (frégate, porte-hélicoptères amphibie, patrouilleur océanique) pour élaborer et maîtriser la situation tactique dans la profondeur. Les premiers essais sur frégate multi-missions (FREMM), programmés en 2021, permettent d’envisager une maturité acquise à l’horizon 2023/2024, même si la loi de programmation militaire fixe aujourd’hui les premières livraisons en 2028.
Pour préparer le SDAM et combler partiellement la lacune capacitaire sur ce segment, le système de drones S100, employé en expérimentations et évaluations opérationnelles depuis 2012 (sur L'Adroit puis sur le Dixmude depuis 2016) atteindra une pleine capacité opérationnelle sur le Dixmude en fin d'année.
Les autres bâtiments hauturiers seront équipés de minidrones SMDM (monocapteur) qui contribueront à la maîtrise de la situation tactique autour du bâtiment, y compris en l’absence de pont d’envol. Leur livraison débutera en 2020, après les essais – concluants – réalisés depuis mai 2019 sur le patrouilleur de haute-mer Commandant Birot. Les commandos Marine emploient déjà, pour leur part, des minidrones adaptés à leurs missions. Enfin, la plus-value des microdrones est en cours d’évaluation, pour des acquisitions dès 2020.
Drones de théâtre
À l’horizon 2030, des drones Male (moyenne altitude longue endurance) participeront à la surveillance maritime sur de grandes étendues et dans la durée, en complément des aéronefs de surveillance et d’intervention maritime. Dans le cadre du système de combat aérien du futur (SCAF), les études se poursuivent sur l’emploi, depuis le porte-avions, d’Ucav (Unmanned Combat Aerial Vehicle), pour des missions d’entrée en premier et de recueil de renseignements en milieu non permissif, en complément des avions de chasse pilotés.
Drones de surface et sous-marins pour la guerre des mines
Le système de lutte antimines futur (SLAMF) reposera largement sur les drones de surface et sous-marins. La Marine a prévu l’acquisition de huit modules de lutte contre les mines (MLCM) embarqués sur des bâtiments de guerre des mines (BGDM) regroupant chacun un drone de surface (USV) avec un sonar remorqué ou un drone sous-marin téléopéré (ROV), trois drones sous-marins autonomes (AUV) et un poste de commandement et de contrôle à distance. Un prototype est en cours d’essais (partenariat franco-britannique), pour une livraison au printemps 2020. Quatre MLCM devraient être livrés entre 2022 et 2023, le reste d’ici à 2030.
Étendre les domaines d’emploi des drones navals
Les drones navals permettent de compléter et d’étendre les capacités des moyens traditionnels (bâtiments de surface, sous-marins et aéronefs). Ainsi, pour remplacer à partir de 2025 les bâtiments et vedettes hydrographiques de la Marine, le programme CHOF (capacité hydrographique et océanographique du futur) prévoit, entre autres, la mise en œuvre de drones de surface et sous-marins, déployés depuis des navires porteurs. Capables de recueillir des données pendant plusieurs jours, ces drones endurants contribueront plus efficacement à la connaissance de l’environnement marin.
L’apport des drones navals, seuls ou en essaims, est également étudié dans d’autres domaines : renseignement acoustique, ISR (intelligence, surveillance and reconnaissance) et lutte anti-sous-marine. Les drones sous-marins sont également une formidable opportunité pour améliorer la connaissance des grands fonds marins.
Le renouvellement de la flotte de surface
Le programme FDI (frégate de défense et d’intervention) vise l’acquisition de cinq frégates qui, avec les frégates multi-missions (FREMM) et les frégates de défense aérienne (FDA), constitueront la flotte des navires de premier rang en 2030.
La FDI possèdera l’ensemble des attributs fondamentaux des frégates de premier rang : aptitude à combattre et à durer en haute mer, autodéfense dans tous les milieux, niveau de résilience et d’interopérabilité suffisant pour participer aux missions de coercition.
Elle profitera des dernières innovations développées pour les FREMM. Véritable « frégate numérique », la FDI possèdera une architecture réseau à la résilience cyber inégalée, qui s’appuiera notamment sur de puissants datacenters à bord. Elle sera, par ailleurs, équipée du premier radar plaque entièrement numérique, le Sea Fire, muni de quatre antennes à panneaux fixes. Cette innovation lui permettra de s’affranchir des contraintes mécaniques des radars tournants, améliorant ainsi très sensiblement ses performances en matière de défense aérienne. La FDI sera également dotée d’un poste de commandement dédié à la lutte contre les menaces asymétriques. Enfin, elle évoluera de manière plus souple : ses capacités pourront être consolidées dans les différents domaines de lutte en intégrant des améliorations et innovations en boucle courte.
Maintenance prédictive et fabrication additive
En complément des aspects capacitaires, la Marine améliore continûment sa performance opérationnelle grâce à celle du maintien en condition opérationnelle (MCO) de ses matériels navals. Ainsi, pour améliorer les performances du soutien et en réduire les coûts, le Service de soutien de la flotte (SSF) mise sur l’innovation dans ses travaux en veillant à ce qu’elle reste suffisamment concrète et réaliste. Pour être utile, en effet elle doit se traduire par une amélioration de la disponibilité des bâtiments ou des performances des acteurs du soutien. L’action du SSF porte sur quatre domaines techniques : outre l’usage de virtualisation en milieu industriel (avec l’étude de la réalité augmentée) et l’automatisation des contrôles grâce à des drones, l’effort principal est mis sur l’utilisation des données pour la maintenance et sur les nouveaux moyens de production industrielle.
En effet, la digitalisation des bâtiments se traduit par des flux de données produits en continu par les systèmes installés à bord. Ces dernières peuvent être exploitées pour réaliser de la maintenance prédictive, c’est-à-dire prévenir les pannes sur un navire en remplaçant à temps les matériels qui montreraient des premiers signes de défaillance. Pour pouvoir gérer ces flux de données technique, il faut disposer de systèmes d’information logistique performants, permettant de les stocker et de les structurer. En parallèle, le développement de la numérisation des opérations de maintenance est engagé, avec des expérimentations de suivi d’intervention numérisées, sur frégate multimissions, par exemple.
En matière de nouveaux moyens de production industrielle, le SSF cherche à exploiter les possibilités offertes par les technologies de type « impression 3D ». Des expérimentations de machines de fabrication additive ont donc été menées sur des navires ou au Service logistique de la Marine (SLM), afin d’évaluer l’applicabilité de cette technologie au MCO naval.