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« Sous de bonnes étoiles »

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Amiral Anne Cullerre, 

Sous-chef d’état-major opérations aéronavales

Promue vice-amiral en mai 2015, Anne Cullerre est la première officier à atteindre ce grade en activité. Entrée sur concours dans la Marine en 1981, elle a d’abord mené une carrière à terre dans des postes d’encadrement avant de se porter volontaire pour embarquer sur l’un des deux premiers bâtiments à équipage mixte. Elle va dès lors entamer une carrière embarquée, ponctuée par deux commandements à la mer, puis en état-major dans les opérations, avant d’occuper des postes à haute responsabilité dans la Marine et en interarmées.

 

COLS BLEUS : Amiral, quel est votre état d’esprit à quelques jours de quitter la Marine après 35 ans de service ?

VA ANNE CULLERRE : C’est étrange ! Je ressens un grand moment de solitude parce que j’ai été habituée à naviguer dans des eaux parfois turbulentes, parfois calmes mais surtout en équipage. Et là je me retrouve seule à la barre de ma future vie, à devoir décider d’une route, ce n’est pas simple ! Heureusement, je suis fière du parcours que j’ai accompli. Et dire que je suis entrée dans la Marine presque par hasard ! Je me destinais d’abord à devenir pilote d’hélicoptère dans l’armée de l’Air. C’est une envie qui remonte à ma jeunesse. J’avais 12 ans et je voyais passer devant mon domicile des jeunes femmes en uniforme de l’armée de l’Air. Ça m’avait alors donné envie, puis j’ai oublié cette idée. Pendant mes études supérieures qui m’ennuyaient, je suis revenue à cette idée initiale, celle de rentrer dans les armées pour devenir pilote d’hélicoptère. J’ai ainsi passé un concours interarmées et c’est finalement dans la Marine que j’ai été admise. Premier hasard et premier choc. Mon arrivée à Cherbourg, terminus du train, la mer, la Marine, les armées. Je n’avais aucune connaissance, ni aucun parent dans ce milieu. J’avais 21 ans et c’était la deuxième fois dans ma vie que je voyais la mer, imaginez-vous ! J’ai vraiment découvert un monde. Ma carrière, ce n’est finalement qu’une succession de portes qui se sont ouvertes au bon moment. Ces portes entrouvertes, j’y ai mis un pied et j’ai foncé ! Très clairement, si j’avais à délivrer un message aux marins : saisissez les opportunités, n’hésitez jamais et donnez-vous les moyens. C’est de cette manière que se forgent un parcours et un avenir.

CB : Quels sont justement les moments clés de votre carrière ?

VA A. C. : Je me suis engagée à une époque durant laquelle les femmes ne pouvaient pas embarquer. Et j’ai pu finalement embarquer 12 ans après mon entrée dans la Marine ! Ça a été valorisant d’autant que j’ai pu ensuite continuer de m’épanouir et progresser dans la hiérarchie. J’ai ainsi gravi tous les échelons jusqu’à un grade que je n’imaginais pas atteindre. Mes débuts sont marqués par mes passages dans les écoles. Une période durant laquelle j’ai travaillé avec des officiers mariniers expérimentés. Je leur dois d’être l’officier que je suis aujourd’hui. J’étais également au contact de jeunes qui entraient dans la Marine. Cela a constitué les bases de mon expérience d’officier dans le domaine de l’encadrement et du commandement. C’est un milieu dans lequel je me suis régalé. Deuxième temps fort, ma période embarquée. Là une porte s’ouvre. Je me porte volontaire mais ce n’était pas gagné ! Au fond de moi, j’estime qu’un marin doit embarquer pour être crédible, et ce quel que soit son grade et son niveau. C’est sa raison d’être. C’est l’essence même du métier. C’est la vocation du marin. Et pour moi cela c’est plutôt bien passé. Chef de quart bien sûr, chef du service intérieur, commandant en second, commandant… J’ai progressé dans la chaîne hiérarchique et surtout je me suis épanouie dans chacune de mes affectations.

CB : Vient ensuite votre période dans l’interarmées ?

VA A. C. : J’ai voulu ouvrir mon horizon vers l’interarmées. Je découvre que j’aime planifier, organiser et conduire les exercices et les opérations. Autre temps fort de ma carrière, la découverte de l’international aussi bien à l’état-major des armées (EMA) que dans un poste à Bahreïn comme chef de la planification d’une grosse boutique internationale(1), puis en tant qu’Alpaci(2). Je m’épanouis et je me trouve des talents dans ce domaine. Cette deuxième partie de carrière a cependant été conditionnée à ma réussite à l’école de Guerre, le Collège interarmées de Défense à l’époque. Sans ce passage, ma progression, mon deuxième commandement, les postes en interarmées intéressants et mes étoiles, tout cela aurait été plus difficile. Pour autant, je ne garde pas un grand souvenir de mon école de Guerre. Car j’y ai découvert une misogynie que je n’avais pas perçue dans la Marine. Ça a été une grande claque ! Certains de mes camarades estimaient que les femmes n’avaient pas leur place dans les armées et encore moins dans les opérations. Ça m’a stupéfiée et ça m’a ramenée à plus de réalisme et m’a rendue encore plus déterminée.

CB : Vous considérez-vous justement comme un porte-étendard de la cause des femmes dans les armées ?

VA A. C. : Non, je ne me suis jamais considérée comme une pionnière. Oui j’ai ouvert des portes ou plutôt des portes se sont ouvertes à moi car il y avait une volonté de la Marine de diversifier les postes pour les femmes. Honnêtement, j’ai été chanceuse. À un an près, les portes auraient été fermées à l’embarquement. Je suis donc entrée au bon moment dans la Marine. Tant mieux si des femmes accèdent désormais à des responsabilités. J’ose espérer que la porte que j’ai ouverte – celle de montrer que l’on pouvait accéder aux étoiles et aux opérations – ne va pas se refermer.

CB : Qu’allez-vous faire après 35 ans dans la Marine ?

VA A. C. : Il y a d’abord un besoin, celui de se raccrocher à ce que l’on connaît bien et c’est très humain. Les relations internationales – les RI – j’ai adoré et j’aimerais continuer dans cette voie. Mais ce n’est pas un métier en soi et il faut que je trouve un cadre et une structure pour exercer ce talent-là. Je cherche donc. Je suis marin et je sais m’adapter. Vous savez, j’ai ouvert un grand livre que j’ai feuilleté jusqu’au bout et là je vais le refermer. C’était une magnifique histoire. J’ai des envies d’autre chose et cet autre chose m’attend quelque part car je suis optimiste de nature. Je suis intimement persuadée que je vais m’ouvrir vers d’autres horizons. Vais-je monter mon entreprise ? Aller vers le social et le solidaire, qui sait ? Une certitude : je suis prête, motivée et déterminée. Et puis il y a mon mari, ancien commando marine, qui m’a toujours accompagnée et soutenue, et à qui je rends hommage, sans lui je n’aurais pas accompli ce beau parcours. Quant à ceux qui restent dans la Marine, je leur dirai que c’est une belle maison, qu’ils ont raison d’en être fiers et que « servir » est sans doute le plus beau des amers quand les vents sont contraires et que la mer se déchaîne.

CB : Au revoir, amiral, et merci !

Propos recueillis par Stéphane Dugast

(1) Directeur « Plans » de l’état-major du commandement des forces maritimes interalliées (Combined Maritime Force – CMF).
(2) Fonction combinant plusieurs casquettes, dont celles de commandant supérieur des Forces armées de la Polynésie française (COMSUP FAPF), commandant de la base de défense de Polynésie française, commandant le centre d’expérimentations du Pacifique et commandant des zones maritimes océan Pacifique et Polynésie française.

Le vice-amiral Anne Cullerre en 10 dates

• 1957 : Naît à La Roche-sur-Yon, mais grandit à Chambéry.
• 1981 : Devient officier du corps technique et administratif de la Marine (OCTAM).
• 1993 : Chef du quart sur la frégate de lutte anti-sous-marine Latouche-Tréville.
• 1995 : Commandant en second du bâtiment océanographique D’Entrecasteaux.
• 1997 : Commandant du bâtiment hydrographique La Pérouse.
• 2000 : Commande le bâtiment océanographique D’Entrecasteaux.
• 2005 : Dirige la division opérations à l’état-major interarmées des Forces armées aux Antilles (FAA).
• 2012 : Nommée contre-amiral et commandant supérieur des Forces armées en Polynésie française (COMSUP FAPF) et ALPACI.
• 2014 : Nommée sous-chef d’état-major « opérations aéronavales » à l’état-major de la Marine, autorité de coordination de la fonction garde-côtes, délégué pour la Défense et la sécurité et autorité cyberdéfense de la Marine.
• Septembre 2016 : Quitte la Marine.

Source: Marine nationale
Droits: Marine nationale


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