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Nageurs orphelins

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Résistant, commando marine, romancier, Claude Riffaud est décédé le 7 décembre dernier laissant le commando Hubert et, plus largement, l’ensemble de la communauté des nageurs de combat, orphelins.

Claude Riffaud s’était engagé dans la marine en 1944. Il a rejoint les commandos marine et a d’abord servi au sein du commando François puis, à partir de 1950, du commando Hubert qui n’est alors « qu’un » commando parachutiste. Tout jeune officier, il a une conviction chevillé au corps : la marine doit se saisir d’un champ d’action encore inexploré en France : l’action sous-marine. Il teste un premier un premier mode d’action pendant une mission de déminage sous-marin à Sète, après quoi il n’a de cesse de vouloir convaincre ses chefs et les autorités. « J’ai pris ma plus belle plume pour écrire à l’amiral [chef d’état-major de la marine NDLR] et à ses cinq étoiles. Je n’étais encore qu’un simple enseigne ! Je suggérais que la marine veuille bien envisager la création d’un corps de nageurs de combat qui pourrait être chargé de telle ou telle mission. Je définissais déjà les missions : attaques de navires ennemis, soit par sous-marin, soit par tout autre moyen, etc. Pour cela, il fallait d’abord une formation, puis du matériel adapté, car, pour les nageurs de combat, le Cousteau-Gagnan, c’était une deux-chevaux par rapport à la formule 1 nécessaire. Il fallait des appareils à oxygène pur, à mélange. C’était tout une entreprise ! Je n’y croyais pas trop, et d’ailleurs personne n’y croyait. »(1) Et pourtant. La décision tombe, ordre pour l’EV Claude Riffaud de créer une unité de nageurs de combat. Direction l’Italie pour une formation express chez les nageurs de combat italien puis l’Angleterre pour un passage au Special Boat Service. En janvier 1952, cap sur l’Algérie et le port d’Arzew près d’Oran. Là-bas, il rencontre Bob Maloubier, capitaine de l’armée de terre qui est là également pour développer une capacité d’action sous-marine au profit des services secrets français. Ils sont rapidement rejoints par le lieutenant Jacques Dupas. C’est le début d’une grande aventure : développer une compétence, une sélection, une formation, des modes d’action, trouver des équipements adaptés, bricoler. Le cours de nageurs de combat est né.

En 1953, Claude Riffaud prend le commandement du commando Hubert. Il sera le premier commandant du commando dans sa version à la fois parachutistes et nageurs de combat. Un commandement placé sous le sceau de la créativité et de l’innovation : arrivée des tracteurs sous-marins, les prémisses des insertions par air avec des vecteurs nautiques ou sous-marins, expérimentation du sassage sur les sous-marins d’attaque etc. C’est aussi la séparation définitive des nageurs de combat de l’armée de terre qui rejoignent le SDECE (ex DGSE) et ceux de la marine qui arment qui Hubert. En 1955, Claude Riffaud transmet à son successeur une unité d’élite en devenir. Il reprend ensuite un parcours dans la marine de surface, sert au Service action du SDECE, et finira sa carrière à l’IFREMER. A la retraite, il se consacrera notamment à l’écriture(2). Discret, il sera tout de même présent aux côtés de Bob Maloubier pour la remise du 1000e certificat de nageur de combat en 2014.

Plus de 60 ans après la création du cours des nageurs de combat, ces derniers peuvent mesurer combien ils doivent à l’action, l’énergie et l’enthousiasme d’un trio tout à la fois innovant et détonnant. Jacques Dupas s’en allé le premier dans les années 60. Bob Maloubier s’est éteint en 2015. C’est aujourd’hui au tour de Claude Riffaud de s’en aller. Les deux certificats nageurs de combat n°1 (Maloubier et Riffaud) et le certificat n°3 (Dupas) ont quitté les rangs. Les nageurs de combat français sont définitivement orphelins. Le commando Hubert incarne l’héritage vivant et éternel de ces héros d’un autre temps, celui de Claude Riffaud en particulier, l’artisan d’une unité commandos marine d’exception. Claude Riffaud l’avait écrit avec clarté et clairvoyance :

« Des années de labeur se sont succédé. Aujourd’hui les anciens s’éloignent peu à peu dans la brume du temps. Des jeunes ont pris la relève. Jadis embryonnaire, l’édifice tient debout, solide, et pourvu d’une renommée qui ne cesse de grandir. La maison est sans doute bâtie sur des engagements qui ne sont plus tout à fait les mêmes, qui évoluent en fonction des circonstances, mais l’essentiel demeure. Je le résume en quelques mots : pour gagner, il faut oser ; pour oser, il faut s’en donner les moyens, et ces moyens, dans les plupart des cas sommeillent en chacun de nous »(3)

 (1)Cité dans Le commando Hubert de Rock Pesacadère et Frank Jubelin (éditions du Fanal, 2002).
 (2)Expédition Famous (Albin Michel), Mekong Palace, La crique de l’or,Rêve de Siam (Presses de la cité) etc.
 (3)Le commando Hubert (préface)

Source : Marine nationale
Crédits : Marine nationale


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