En 1917, le conflit à terre s’enlise et rien ne semble avancer. Les tentatives de percées de 1915 ont été vaines, il en va de même des offensives de masse, de la bataille de Verdun ou encore de la Somme. L’Allemagne semble aux yeux des Alliés infatigable. Et, après Verdun, l’état-major allemand et l’amirauté comprennent vite que la percée décisive ne pourra pas avoir lieu sur le front de l’ouest. Le 9 janvier 1917, le Kaiser Guillaume II ordonne de « commencer le 1er février la guerre sous-marine sans restriction avec la plus grande énergie ». L’Europe entre en état de blocus maritime.
Forcer la victoire
Pour les Alliés, la mer est vitale. Elle permet par exemple le ravitaillement de la France (et a fortiori de la Marine) en charbon. Ses régions minières lui sont inaccessibles depuis 1914, en raison de l’occupation allemande. De son côté, le Kaiser le sait, son pays ne pourra pas tenir très longtemps. Il lui faut mener une guerre courte sans quoi l’Allemagne risquerait de s’épuiser. Le calcul est simple : elle va devoir couler assez de bâtiments pour que les Britanniques, faute de ravitaillement, soient obligés de demander un armistice. Et cela doit être fait avant que l’entrée en guerre inévitable des États-Unis, dont les bâtiments seront pris pour cible, ne fasse sentir ses effets sur le continent.
Ce n’est pas la première fois que le pays se lance dans une campagne de guerre sous-marine. En 1915 déjà, ce type d’offensive est alors perçu comme l’unique solution pour desserrer l’étau du blocus franco-britannique. Cependant, cette campagne est rapidement interrompue dès lors que les neutres, États-Unis au premier rang, s’indignent, notamment à la suite des torpillages du Lusitania (le 7 mai) et de l’Arabic (le 19 août). En 1917, le théâtre de la guerre sous-marine change, passant de la Méditerranée à l’Atlantique pour y faire des ravages.
Une adaptation salvatrice
Beaucoup de choses ont changé depuis 1915. La flotte sous-marine allemande compte à présent 128 sous-marins disséminés au fond de toutes les mers européennes. Ses U-boote sont de véritables monstres, entre 850 et 1 000 tonneaux, une vitesse de 16 nœuds en surface et 8 en plongée, et une autonomie de 7 000 milles nautiques. Tout se passe sous la mer, de la défense côtière à l’attaque de navires, en passant par le mouillage des mines. L’objectif est d’arriver à couler 600 000 tonnes par mois, en attaquant sans préavis, au mépris des lois internationales. Le spectre de la première campagne hante encore les marines de l’Entente, qui identifient rapidement la menace et s’organisent en conséquence. La France bénéficie à présent, grâce au contre-amiral Lacaze, d’une réorganisation de son dispositif de lutte anti-sous-marine. La Méditerranée orientale est scindée en deux commandements autonomes : la division des patrouilles de Provence, au nord, et celle d’Algérie-Tunisie, au sud. Le pic des pertes causées par les U-boote atteint son paroxysme en avril 1917, avec plus de 250 000 tonneaux de jauge brute coulés en Méditerranée.
Le système des routes patrouillées montre alors ses limites, et ces dernières sont pointées du doigt, notamment par le capitaine de corvette Castex et de nombreux officiers aussi bien Français que Britanniques. La Conférence interalliée de Corfou (28 avril au 1er mai 1917) signe la fin définitive de l’utilisation des patrouilles en Méditerranée, qui seront remplacées par la formation de convois.
© CHARLES WINCKELSEN/ECPAD/DEFENSE/SPA 6OS83 - Le sous-marin allmand UC-61 échoué devant Wissant (Pas-de-Calais), le 4 août 1917
© POULAIN/ECPAD/DEFE?SE/SPA 9A766 - L'équipage du Silure au large de Cherbourg
© ALBERT MOREAU/ECPAD/DEFENSE/SPA 212M4207 - Calais, le Cornélie rentre au port
Focus
À l’école de navigation sous-marine
Début 1916, la guerre sous-marine à outrance se précise et le nombre de sous-marins allemands ne cesse de croître. Pour contrer la menace et permettre aux équipages sous-mariniers des relèves par des marins déjà formés, l’École d’application sous-marine est créée en septembre de la même année. Implantée à Toulon, elle dispense une formation essentiellement pratique : à bord de sous-marins dédiés à l’enseignement mais aussi de bâtiments de surface. Les marins de toutes spécialités y reçoivent une instruction d’ensemble sur la connaissance du sous-marin, de ses installations et de la manœuvre en plongée. D’une durée de 50 jours, la formation doit permettre à chaque élève de prendre part aux opérations et d’assurer la relève d’équipages fortement mis à contribution en ce début d’année 1917.
La création de l’École d’application sous-marine marque une prise de conscience liée à la nécessité d’intervenir face à la guerre sous-marine menée par les Allemands. Aujourd’hui encore, la formation dispensée à l’école s’appuie sur les principes suivants : connaissance des installations, maîtrise de la sécurité plongée et mise en œuvre du système de combat.
Article rédigé par ASP PHILIPPOT
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