Dix mille marins, une centaine de bâtiments de trente types différents, huit bases navales outre-mer et à l’étranger, trois groupes de plongeurs démineurs, des centres d’expertises : le cœur de la Marine nationale bat résolument à la Force d’action navale. Entretien avec ALFAN, le vice-amiral d’escadre Marc de Briançon.
COLS BLEUS :Entraînement des marins embarqués, maintien en condition opérationnelle, nécessaire régénération et déploiements tous azimuts : comment tout concilier ?
VAE Marc de Briançon : À l’image des excellents résultats opérationnels obtenus ces derniers mois, l’engagement de nos bâtiments et de nos marins est remarquable. Nous sommes, plus que jamais, présents sur toutes les mers du globe. Grand Nord, Corymbe dans le golfe de Guinée, Narcops aux Antilles, projection de puissance en océan Indien et en Méditerranée, escorte de porte-avions américain et déploiement de guerre des mines en océan Indien, missions de souveraineté en métropole et outre-mer : les unités de la FAN répondent présent partout où l’on a besoin d’elles. Ce haut niveau d’engagement me conduit à exercer une vigilance particulière sur le socle organique de l’activité des bâtiments, dont dépend le niveau de performance opérationnelle des équipages. Il s’agit de préserver l’entretien des savoir-faire fondamentaux de manière constante et durable, ce qui est rendu compliqué par un besoin toujours croissant de déploiements. Mon rôle est donc de positionner correctement le curseur pour répondre aux attentes opérationnelles tout en gardant des marins compétents, aptes au combat et motivés, à bord d’unités disponibles. Le maintien en condition opérationnelle est donc primordial, et s’exerce toute l’année. Chaque jour, le marin évolue dans son unité, il en est le premier gardien. Votre carreau est cassé à la maison : vous le réparez immédiatement ! J’attends de chaque marin la même réactivité bienveillante, le même esprit de responsabilité, garant d’un entretien pérenne de nos bâtiments et de leur performance. Certains chantiers retiennent particulièrement mon attention : la refonte à mi-vie du porte-avions Charles de Gaulle qui va notamment permettre de moderniser intégralement son système de combat, mais aussi, de manière plus générale, l’entretien des petites unités vieillissantes. Maintenir un bon niveau de disponibilité est parfois une gageure, ce qui rend d’autant plus important le renouvellement de cette flotte (avec BATSIMAR(1)) dont la vocation est de participer à la défense maritime du territoire en métropole comme dans les approches ultramarines.
C. B. :Comment assurer la préparation opérationnelle d’équipages affectés sur des unités dernier cri comme ceux d’unités plus anciennes ?
VAE M. de B. : C’est un de nos principaux défis. On n’entraîne pas 220 marins d’une FASM des années 80 comme on entraîne l’équipage resserré à une centaine de marins d’une frégate moderne disposant de capacités opérationnelles bien supérieures. Il faut adapter nos méthodes et nos processus. Le recours à la simulation par exemple s’impose, tant pour commencer à entraîner les marins avant qu’ils ne partent en mer que pour maintenir leurs compétences pendant les arrêts techniques. Enfin, l’adaptation à la marine de demain passe aussi par une nécessaire évolution du marin lui-même. Si son environnement reste assez rustique, il doit être capable d’évoluer dans un monde numérique. Cela va de pair avec la montée en puissance de la cyberdéfense, symbolisée par la création du Centre support cyberdéfense (CSC) : chaque marin y est désormais régulièrement entraîné.
C. B. :La FAN fête ses 25 ans en 2017. En quoi diffère-t-elle de celle de 1992 ?
VAE M. de B. : La Force d’action navale de 2017 n’a plus rien à voir avec celle de 1992. La FAN, il y a 25 ans, était divisée par façades et il existait une autorité distincte dédiée à l’entraînement. Aujourd’hui, la FAN – une seule et même entité autour d’un état-major réactif, rationalisé et multisite – est capable de s’adapter aux nouvelles menaces et de mieux exploiter les caractéristiques de furtivité, endurance et performance qui guident la conception de nos unités. Dans ce même esprit de cohérence, ALFAN assure depuis septembre 2015 avec ses adjoints organiques, ALFAN Brest (CA Catard) et ALFAN Toulon (CV Martinet), la tutelle des bases navales outre-mer. La FAN, par ailleurs, se renouvelle à un rythme inégalé. Au cours des trois dernières années, ont en effet rejoint la flotte : les quatre premières FREMM, dont on ne présente plus les atouts, opérationnels et stratégiques grâce notamment au MDCN, trois des quatre B2M déployés outre-mer, le premier des deux patrouilleurs destinés à la Guyane et le patrouilleur polaire Astrolabe qui sera prochainement affecté à La Réunion. Enfin, ALFAN est désormais autorité gestionnaire des emplois (AGE) d’environ 15 000 marins des spécialités de surface. Je compte beaucoup sur la proximité qu’engendreront les 5 000 entretiens de gestion tenus annuellement à bord des unités pour concilier au mieux les aspirations des marins et les besoins de la Marine.
C. B. :Quels sont les travaux menés actuellement par l’état-major de la FAN ?
VAE M. de B. : Nous devons continuer à séduire les jeunes car le marin embarqué à la FAN a en moyenne moins de 30 ans. Il s’agit ensuite de le fidéliser ; pour cela, nous disposons de plusieurs leviers : des missions opérationnelles variées sur des bâtiments de dernière génération, la valorisation financière de l’embarquement, la réduction des équipes de service au port-base, ou la conduite des gardiennages par du personnel réserviste. La cure d’amaigrissement que fait subir mon état-major au corpus documentaire vise le même but : simplifier la vie des unités et des marins qui peuvent rester ainsi mobilisés sur leur cœur de métier.
Un autre travail d’envergure est actuellement mené au sein de la FAN : celui de la préparation de la certification de FRMARFOR(2) qui permettra à la France de prendre le 1er janvier 2018 l’alerte de la Nato Response Force en tant que commandant de composante maritime. La Marine nationale fait partie des rares marines capables d’exercer cette capacité de commandement à la mer : c’est une véritable fierté.
C. B. :Un motif particulier de satisfaction ?
VAE M. de B. : Je n’en manque pas : il y a l’arrivée de nouvelles unités performantes et le remarquable niveau opérationnel de nos équipages, je l’ai dit, mais également, dans un autre registre, la démonstration récente de notre capacité à mettre en œuvre l’arme nucléaire aéroportée avec le Rafale Marine, grâce à la Force aéronavale nucléaire que je commande et qui fêtera ses 40 ans en 2018.
Mais ce qui me réjouit le plus, c’est la rencontre quotidienne de marins engagés, ouverts, animés par un authentique esprit d’équipage, qui, par la force de leur enthousiasme et de leur volonté, constituent le véritable cœur du système de combat de la Force d’action navale.
©E.MOCQUILLON/MN - Le contre-amiral Catard (ALFAN Brest) en inspection auprès de la base navale et des unités de surface
de Fort-de-France (Martinique).
Propos recueillis par le LV Magali Chaillou
(1) Le programme Bâtiment de surveillance et d’intervention maritime (BATSIMAR) prévoit l’arrivée d’une quinzaine de patrouilleurs (loi de programmation militaire) après 2020 afin de remplacer les patrouilleurs en métropole et outre-mer.
(2) État-major tactique qui a pour mission de commander des forces maritimes à la mer dans un cadre national, OTAN ou de coalition, et qui conseille ALFAN sur l’emploi opérationnel des moyens sous sa responsabilité.