Head steady. Deck steady. Fire ! » L’ordre de catapultage du dernier avion français depuis le porte-avions américain USS George H. W. Bush vient d’être donné. C’est le 202e catapultage d’un des 12 Rafale Marine et du E-2C Hawkeye, la 467e sortie depuis le début du déploiement Chesapeake.
Entre début avril et fin mai, le Groupe aérien embarqué (GAé) s’est déployé aux États-Unis, près de la baie de Chesapeake en Virginie, où, il y a plus de 200 ans, des marins français se sont battus pour l’indépendance des États-Unis. Pour le GAé, c’est le temps fort de sa remontée en puissance mais c’est aussi une occasion rare de renforcer son interopérabilité avec l’US Navy, sur la base de cette histoire commune et de nombreuses opérations conjointes. Retour au début de mission.
Les 3 et 4 avril, l’E-2C Hawkeye et les Rafale Marine quittent leurs bases bretonnes de l’aéronautique navale pour rallier les Naval Air Stations de Chambers et d’Oceana, près de Norfolk. Ils sont accueillis par le Carrier Air Wing n°8 (le GAé américain déployé à bord de l’USS G. H. W. Bush).
Assurer la continuité de l’entraînement
Dès le 9 avril, pilotes français et américains débutent leurs vols conjoints. Les liens entre flottilles françaises et squadrons américains se renforcent au fil des briefings, des coups de main techniques, des entraînements avec les pilotes américains. Cette première phase à terre permet aux pilotes de continuer leur préparation à l’appontage en réalisant près de 700 appontages simulés sur piste de jour ou de nuit.
La seconde phase du déploiement commence le 6 mai avec l’embarquement sur l’USS George H.W. Bush. Les marins du GAé et du porte-avions Charles de Gaulle s’entraînent à la mer pendant une dizaine de jours et reprennent leurs marques pour travailler au large. Il faut aussi adapter les procédures françaises aux US Navy Daily Operations : des procédures de catapultage à l’entretien des avions sur le pont d’envol, du rythme quotidien à bord aux réseaux informatiques, du suivi des approches aériennes au travail sur le pont d’envol…
Plusieurs qualifications techniques et tactiques sont passées : adaptation de 5 nouveaux pilotes de Rafale Marineà l’appontage, utilisation du pod de désignation laser, poursuite des cycles de qualification de chef ou sous-chef de patrouille ou encore chef de mission sur Hawkeye. Pour l’ensemble du personnel navigant embarqué, Chesapeake est l’opportunité de se ré-entraîner à l’appontage mais aussi une occasion rare de coopérer avec l’US Navy. Certains pilotes français d’E-2C Hawkeye ont même pu apponter aux commandes d’appareils américains.
Pendant 2 mois, les missions conjointes se sont enchaînées sans interruption, sollicitant toutes les compétences de ces marins du ciel : ravitaillement en vol, bombardement, attaque de navires ou assaut contre la terre, défense de zone, recherche de cibles, combat air-air en un contre un ou mission complexe avec jusqu’à 13 aéronefs en même temps.
Au total, ce sont 350 marins de toutes spécialités qui ont été déployés : techniciens, logisticiens, informaticiens, préparateurs de mission, contrôleurs, pilotes embarqués, administratifs ou encore tacticiens aéronautiques. Lors de ce déploiement Chesapeake, chacun a pu exercer son métier pour être prêt à repartir en mission, à bord du porte-avions français cette fois.
Interviews
Capitaine de frégate Marc, commandant le Groupe aérien embarqué
Commandant, quel bilan dressez-vous du déploiement Chesapeake ?
Je suis extrêmement satisfait de tout le travail qui a été mené pour mettre en place ce détachement, projeter ces 350 marins et ces 13 avions. Derrière les marins qui mettent en œuvre des avions français sur un porte-avions américain, il y a aussi de nombreuses faces cachées, informatique ou logistique par exemple, pour monter et permettre le bon déroulement de ce déploiement.
Pendant la période d’indisponibilité du Charles de Gaulle, il faut préserver nos compétences dans le domaine opérationnel et dans le domaine aéronautique propre au porte-avions. Les pilotes français ont été qualifiés à l’appontage sur l’USS Bush et les vols tactiques qui se sont déroulés après ont confirmé notre interopérabilité avec l’US Navy.
Comment percevez-vous cette coopération avec l’US Navy ?
C’est la juste continuité des opérations que l’on a menées conjointement depuis maintenant de nombreuses années. C’est également l’occasion de se confronter un petit peu à eux, de voir la manière dont ils s’entraînent, dont ils emploient leur matériel, mais aussi de montrer notre savoir-faire.
Quel souvenir marquant garderez-vous de Chesapeake ?
Depuis deux ans, un pilote américain est dans une flottille française. Pour l’ensemble des services qu’il nous a rendus, je lui ai remis la médaille de la Défense nationale devant les marins français mais également devant ses camarades américains. Cela a été un des grands moments de ce déploiement.
Tous les pilotes français de chasse embarquée sont formés aux États-Unis, dans la même école que les pilotes américains. Se retrouver ainsi l’un à côté de l’autre quelques années plus tard sur le même porte-avions, mener des entraînements l’un avec l’autre ou l’un contre l’autre, se comparer à eux en se disant que l’on est là de nouveau.
Captain(1) James, commandant le groupe aérien n°8 (CAG8)
Commandant, qu’est-ce que cela représente d’avoir accueilli le GAé français ?
C’est complétement inédit dans ma carrière. En 29 ans, je n’avais jamais accueilli une nation étrangère sur un porte-avions américain.
Pour mes marins, c’est l’opportunité de s’entraîner aux côtés de nos partenaires, d’apprendre et de comprendre comment chacun combat et comment nous pouvons mieux combattre ensemble.
Le GAé français est très professionnel, des marins du pont d’envol aux techniciens et aux pilotes ; ils ont gagné le respect de tous les marins du CAG8 et du G.H.W. Bush.
Qu’est-ce que le déploiement Chesapeake a apporté à vos marins ?
C’était une excellente opportunité, pas seulement pour réaliser des entraînements mais pour préparer des vols opérationnels dans tout le spectre des missions que nous pourrions avoir à accomplir ensemble dans le futur.
Non seulement nous avons bâti la confiance nécessaire pour combattre côte à côte un jour mais je pense que nous avons pu partager des expériences dans un esprit de camaraderie.