[Flashback] C’est en 1933 que l’on trouve dans les archives la première apparition du terme « École de maistrance ». C’est à cette date que l’école des sous-officiers du Pont créée en 1923 prend ce titre. En réalité, trois écoles de maistrance coexisteront jusqu’en 1988, selon le domaine d’emploi : pont, machine et aéronautique.
En 1988, devant la modernisation des bâtiments de guerre et le besoin d’une marine plus « technique », l’École des mousses ferme ses portes et les trois maistrances fusionnent pour donner naissance au modèle de formation toujours en vigueur aujourd’hui au centre d’instruction naval (CIN) de Brest et dont on fête cette année les 30 ans d’existence.
Issues de recrutements de niveau baccalauréat minimum, les jeunes recrues, élèves maistranciers, suivent une formation initiale maritime, militaire et académique. Les élèves de toutes les spécialités de la Marine sont formés selon un seul et même tronc commun, reproduisant ainsi les principes de mixité et d’esprit d’équipage tel qu’ils existent sur les bâtiments ou dans les unités de la Marine. La cohésion et le sens de la camaraderie sont le ciment de ce cursus : 4 mois de formation intensive à l’issue desquels les élèves se rendent en école de spécialité pour apprendre leur futur métier.
Aujourd’hui, près de 900 maistranciers sont formés à Brest chaque année. Près de 52 % des officiers mariniers sont issus des rangs de Maistrance, formant ainsi l’ossature des équipages de la Marine.
En réponse à la hausse des besoins en recrutement de la Marine, l’École de maistrance a ouvert une antenne au Pôle Écoles Méditerranée (PEM) le 1er juin dernier. Installée à Saint-Mandrier, elle dépend du CIN Brest pour conserver l’unité et l’esprit de Maistrance. L’objectif ? Former à terme près de 350 maistranciers supplémentaires chaque année.
ASP Antoine Sermier
Rencontre - Capitaine de frégate Philippe, ancien élève et actuel directeur de l’École de maistrance
Cols Bleus : Commandant, la boucle est bouclée : déjà 37 ans que vous êtes passé dans ces murs pour suivre votre formation initiale.
CF Philippe : Même si c’était en 1980, mes souvenirs d’élève maistrancier sont encore bien présents. Un an de formation en école militaire avec des jeunes gens de 18 ans, cela grave des souvenirs à vie !
Une fois l’École de maistrance terminée, je suis parti passer mon brevet d’aptitude technique (BAT) de météorologue- océanographe. J’ai ensuite été affecté à terre sur des bases aéronavales, puis sur des bâtiments de combat (frégates, avisos…) et en état-major. J’ai réussi le concours d’officier en 1995. Après l’École navale, j’ai de nouveau embarqué sur le porte-avions, avant de retrouver des affectations en état-major (au commandement du centre opérationnel météo-océanographique de la Marine à Brest notamment), à l’École de la météorologie puis en interarmées à La Réunion. J’ai ensuite rallié le CIN pour devenir chef de la pédagogie, puis directeur de l’École de maistrance.
Je suis aujourd’hui vraiment fier et honoré de pouvoir terminer ma carrière là où je l’ai commencée tout en ayant eu un parcours riche et intense. Et c’est un plaisir de partager mon expérience avec les jeunes formés ici, de leur montrer que lorsque l’on a l’envie et le goût de la chose bien faite, on peut atteindre ses objectifs.
C. B : Le cursus était-il très différent lors de votre passage en 1980 ?
CF P. :À l’époque, le cursus se déroulait sur une année scolaire complète, l’année de terminale. Nous avions donc la possibilité de rentrer soit en première pour se préparer au concours, soit en terminale par un concours hautement sélectif pour l’une des trois maistrances. Ensuite, nous entrions comme équipage. En heures ouvrables, la journée était consacrée aux cours académiques dispensés en terminale. Les heures non ouvrables étaient réservées aux cours militaires, maritimes et sécuritaires. À la suite de notre cursus, nous intégrions une école de spécialité et nous passions le BAT avant de rentrer dans les forces.
C. B : Quels étaient les cours dispensés à l’époque ?
CF P. : Les cours étaient les mêmes que ceux dispensés aux maistranciers aujourd’hui : tir, sport, ordre serré, utilisation des appareils respiratoires isolants, manœuvres sur plage avant, permis côtier… Le tout en plus du programme de terminale.
C.B : Quels souvenirs retenez-vous de ce passage ?
CF P. : Plus que les cours, c’est vraiment l’entraide, la cohésion et un certain esprit d’équipage, qui m’ont marqué dans ma vie de marin et dans ma vie d’homme. Je vois encore parfois d’anciens camarades de promotion au détour d’une coursive ou dans un carré.
C’est toujours un plaisir de découvrir ce qu’ils sont devenus.
C.B : Une nouvelle antenne de l’école a ouvert à Saint-Mandrier : quelles en sont les raisons ?
CF P. : Avec l’arrivée d’unités modernes de plus en plus complexes, les besoins en formation se sont accrus. Aujourd’hui, les infrastructures du CIN de Brest ne permettent plus d’accueillir suffisamment d’élèves pour combler ces besoins.
C’est la raison pour laquelle l’ouverture d’une antenne sur la façade maritime méditerranéenne était pertinente. Et c’est bien la même école, aux ordres d’un seul et même directeur, proposant un programme commun et un cursus identique.
C.B : Si vous deviez donner un mot d’encouragement aux nouveaux maistranciers, que leur diriez-vous ?
CF P. : Je leur dirais de s’engager tête baissée dans cette belle institution qui leur offrira des moments et des aventures hors du commun !