Depuis le début de l’ère industrielle, on observe un réchauffement à l’échelle de la planète, qui remet en cause l’équilibre de l’ensemble de ses écosystèmes et impacte les populations humaines. Entre 1880 et le début du XXIe siècle, les températures de l’air en surface se sont élevées d’environ 1 °C en moyenne sur le globe. Ce réchauffement s’est notamment manifesté dans l’océan, en surface comme en profondeur. Mers et océans, qui couvrent environ 70 % de la surface du globe, sont donc en première ligne en matière de changement climatique, avec notamment à la clé des effets sur la circulation océanique, les vents, les vagues, le niveau de la mer ou sa composition chimique. Au-delà des enjeux climatiques, ces évolutions affectent d’ores et déjà les conditions de navigation, les infrastructures portuaires et la répartition des espèces marines. Elles sont donc prises en compte par les acteurs du monde maritime, au premier rang desquels la Marine nationale.
L’Arctique, « point chaud » du changement climatique
Le réchauffement observé à l’échelle de la planète est particulièrement marqué en Arctique, où des températures inhabituellement douces ont été relevées ces dernières années, même en hiver. Les observations satellitaires ont montré une réduction de l’étendue couverte par la banquise. Ce déclin, plus rapide au cours de l’été, rallonge la période durant laquelle la glace de mer se disloque et fond, créant ainsi des conditions de plus en plus favorables à la navigation. Chaque année, depuis 2008, la glace libère un passage dans la route maritime du Nord-Est, le long des côtes eurasiennes, qui a pu être empruntée en automne 2018 par le bâtiment de soutien et d’assistance métropolitain (BSAM) Rhône, sans l’assistance d’un brise-glace.
Une disparition totale de la banquise estivale de l’océan Arctique pourrait intervenir au cours du XXIe siècle et faire apparaitre d’autres voies de navigation côtières (ex. au milieu de l’archipel canadien) ou transpolaires. Ces changements affectent plus généralement les conditions météorologiques et océaniques sur l’ensemble du globe. La disparition de la glace dans le Grand Nord modifie, par exemple, les conditions de formation des vagues. Enfin, sur le continent, la fonte du pergélisol (sol gelé en permanence ou de manière saisonnière) rendrait plus hasardeuse la mise en place de nouvelles infrastructures terrestres d’accès aux ports potentiels sur les routes maritimes du Grand Nord. Elle libère également de grandes quantités d’eau douce et de méthane.
Hausse du niveau de la mer et vulnérabilité des zones littorales
Un autre effet important du changement climatique est l’élévation du niveau de la mer, consécutive au réchauffement des eaux océaniques – l’eau qui se réchauffe présente une augmentation de son volume – et aux apports d’eau liés à la fonte des calottes du Groenland, des glaciers continentaux et de la calotte antarctique. Cette augmentation du niveau de la mer peut impacter directement les zones côtières, où vivent environ 600 millions de personnes en provoquant une érosion accrue, ainsi que des submersions marines plus fréquentes et intenses. Elle augmente aussi la salinisation des nappes phréatiques.
Migration et raréfaction des zones de pêche
Enfin, le changement climatique affecte la composition chimique de l’océan sur toute sa profondeur : désoxygénation et acidification liée à l’absorption du dioxyde de carbone, facilitée par la hausse des températures. La productivité primaire, donc, in fine, la quantité disponible de plancton, premier maillon de la chaîne alimentaire, est réduite dans les latitudes tropicales et subtropicales. Ceci entraîne une migration des espèces halieutiques vers les eaux plus froides des pôles, et une réduction des zones de pêche dans les régions tropicales.
Matthieu Chevallier, responsable prévision marine et océanographie à Météo-France.
Extrait du Cols Bleus N°3077- AVRIL 2019 - Météo-océano : indissociables des opérations