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Océan Antarctique - Retour en milieu polaire

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Opérant sur toutes les mers du globe, la Marine nationale était pourtant absente de l’océan Antarctique depuis la participation de l’aviso Commandant Charcot aux premières expéditions en Terre Adélie de 1949 à 1951. À compter de novembre prochain, les deux équipages du patrouilleur polaire L’Astrolabe de la Marine renoueront avec le pôle Sud.
Après pas loin de 70 ans d’absence en Terre Adélie, ce retour est le troisième épisode de la courte histoire de la Marine dans cette région du globe. Le premier épisode se situe le 21 janvier 1840, quand le capitaine de vaisseau Dumont d’Urville, avec l’Astrolabe et la Zélée, réussit pour la première fois un accostage sur cette terre qui s’est longtemps refusée aux découvreurs, protégée par une large bande de banquise. Pendant un siècle, les droits de la France sur cette portion de l’Antarctique reposent sur la découverte.
Le deuxième épisode intervient en 1948, lorsqu’une expédition est décidée par le gouvernement français pour y installer une base d’hivernage, afin de conforter ces droits devenus fragiles sans occupation effective. Cette mission sera confiée à la Marine qui offre d’armer l’aviso polaire Commandant Charcot, acquis par Paul-Émile Victor pour le compte de la France d’outre-mer.
Le « gel » des prétentions territoriales est assuré depuis 1959 par le traité sur l’Antarctique qui établit le continent comme une réserve naturelle, avec une mise en place de la liberté de recherche scientifique, la protection de l’environnement et une interdiction des activités militaires. En 1991, le protocole de Madrid, imprescriptible avant 50 ans, désigne l’Antarctique comme « réserve naturelle consacrée à la paix et à la science ». Aujourd’hui, une soixantaine de stations scientifiques sont établies sur le continent austral, site privilégié pour étudier les mécanismes des changements climatiques. Le tourisme s’y développe rapidement (40 000 personnes par an) et pourrait menacer la biodiversité.

Un nouveau bâtiment, fruit d’une coopération interministérielle sans précédent
À la faveur des réflexions menées sous l’égide du secrétariat général pour la mer en 2014 sur le renouvellement des capacités maritimes dans le sud de l’océan Indien, le Premier ministre a retenu le principe d’un partenariat interministériel entre les TAAF(1), l’IPEV(2) et la Marine pour ravitailler et assurer le soutien scientifique des stations françaises en Antarctique. Ainsi est né le projet du patrouilleur polaire L’Astrolabe, dont les marins, répartis en deux équipages, assureront pendant l’été austral la mission logistique antarctique (MLA) au profit de l’IPEV, et pendant l’hiver les missions de souveraineté et d’action de l’État en mer (AEM) assurées par le passé par le patrouilleur austral L’Albatros. Il remplacera dès la saison prochaine le navire actuel, déjà dénommé L’Astrolabe et opéré par P&O France.

Le défi de la navigation dans les glaces
Pour les futurs marins de L’Astrolabe, l’impératif de livrer vivres, carburants et matériels dans les temps passe par la réappropriation d’un savoir-faire perdu depuis les trois campagnes de l’aviso Commandant Charcot entre 1949 et 1951.
Contrairement à la navigation pratiquée par les croisiéristes en Arctique ou en péninsule Antarctique, qui ne font que tutoyer la glace, celle de L’Astrolabe est beaucoup plus engagée, dictée par l’objectif de se rapprocher au maximum de l’île des Pétrels où est implantée la station Dumont d’Urville. Cette navigation requiert une parfaite connaissance des phénomènes climatiques dans cette région de l’Antarctique, de l’influence qu’exerce sur eux la géographie des lieux, y compris celle d’immenses icebergs échoués. La recherche d’itinéraires à travers le pack(3) est facilitée par la réception quotidienne d’images satellites.
Nul besoin de remonter à la glorieuse époque des expéditions du XIXe siècle pour illustrer le sort d’un navire pris dans les glaces(4). Les incidents ou accidents de la période contemporaine ne sont pas exceptionnels(5). Les forces de compression sont telles que nulle coque ne peut y résister. Si la forme de carène permet au navire de « monter » au-dessus des glaces compressives, cette situation doit être évitée à tout prix car elle livre le navire dépossédé de liberté de manœuvre à la toute-puissance d’un iceberg.
Face au risque non négligeable de blocage voire de perte du navire, le Code Polaire, entré en vigueur le 1er janvier 2017, définit des niveaux d’expérience requis pour les équipages des navires opérant en zone polaire. S’adossant à cette réglementation, la Marine envoie cette saison les futurs commandants et commandants en second de L’Astrolabe se former par compagnonnage auprès des deux capitaines de marine marchande qui opèrent le navire actuel. Cette expérience sera ensuite complétée par des stages théoriques à l’École nationale supérieure maritime de Marseille.
L’expérience et les savoir-faire acquis en Antarctique pourront ainsi à moyen terme être transposés sur le théâtre Arctique où se concentrent plus ostensiblement les intérêts des grandes puissances à la faveur du réchauffement climatique(6).  
CF Céline Tuccelli

Une image satellite utilisée pour determiner un passage dans la glace. 

(1) Collectivité territoriale des Terres australes et antarctiques françaises.
(2) Institut polaire Paul-Émile Victor.
(3) Masse de blocs de glace flottants, détachés de la banquise et soudés ou non entre eux.
(4) Voir l’odyssée de l’Endurance de Shackleton.
(5) Navire Akademik Chokalski en décembre 2014 – janvier 2015.
(6) Voir Hors-Série CB de juillet 2016.

Témoignages

Patrice Godon et Patrice Bretel, responsables de la logistique et des infrastructures polaires à l’IPEV

Un maillon essentiel au service d’une logistique de l’extrême
« L’activité des stations scientifiques françaises en Antarctique et la réalisation de nombreux programmes scientifiques, souvent menés à travers des réseaux de collaborations internationales, dépendent directement de l’articulation d’une longue chaîne logistique partant du siège de l’IPEV à Brest et relayée en Tasmanie. Le dernier maillon entre Hobart (Tasmanie) et le continent blanc est sans aucun doute le plus critique. Aux abords de la station Dumont d’Urville, les conditions rencontrées dans un pack au comportement erratique sont difficiles à prévoir ; les conditions météorologiques souvent très violentes imposent une grande souplesse et une capacité d'adaptation qui reposent sur le savoir-faire et l'expertise des personnes impliquées. »

 

Serge Fuster, chef de district de Terre Adélie

Un lien vital
« Cette nouvelle mission logistique antarctique, qui sera désormais opérée par la Marine nationale pour le compte de l’IPEV, devra assurer la continuité du lien vital entre la base Dumont d’Urville et ses sources d’approvisionnement. À l’instar de l’exemplaire collaboration entre la Marine et les TAAF(1) dans les îles subantarctiques, je ne doute pas que ce nouveau partenariat tripartite permette de relever ce défi logistique dans les meilleures conditions possibles. »
(1) Terres australes et antarctiques françaises.


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