Le 26 janvier 2016, 14 heures. « Mayday, mayday » : le roulier Modern Express, en transit entre le Gabon et Le Havre, émet un appel de détresse. Le navire se situe alors à 200 nautiques (environ 370 km) dans le sud-ouest de la pointe de Penmarch, en zone SRR britannique. À 14 h 30, le CROSS Etel propose le déroutement de l’avion des douanes et le remorqueur Abeille Bourbon est informé de la situation. Le Maritime Rescue Coordination Center (MRCC) de Falmouth coordonne dans sa zone de responsabilité l’opération de sauvetage de l’équipage, qui est évacué par un hélicoptère espagnol. À 17 h 45, les 22 membres d’équipage sont évacués, sains et saufs. Cependant, le Modern Express– transportant 3 600 tonnes de bois débité en fardeaux et des engins de travaux publics – dérive en direction des côtes françaises. À 20 h 35, le centre opérationnel de la Marine (COM) de Brest prend les fonctions d’équipe de gestion de l’intervention (EGI).
© L. BERNARDIN/MN - Une opération de sauvetage maritime comporte plusieurs volets : un volet sauvetage (SAR), un volet médical et un volet assistance à navire en difficulté (ANED).
COMMENT ASSURER UNE TELLE OPERATION EN TOUTE SÉCURITE ?
Le remorqueur Abeille Bourbon, avec sa capacité de remorquage, est immédiatement déployé. Arrivé sur zone le 27 janvier, il ne peut pas prendre en remorque le roulier en raison de sa forte gite (60 à 70°) et des conditions météorologiques sur zone défavorables (mer 7 et un vent allant jusqu’à 60 nœuds). Un Falcon 50 décolle à 9 h 35 afin de relocaliser le navire et la frégate de lutte anti-sous-marine (FASM) Primauguet appareille à 10 h. Tous les moyens nécessaires sont mobilisés : deux remorqueurs espagnols, le Ria de Vigo et le Centaurus, arrivent sur place. Après un point de situation entre le SG Mer, le préfet maritime (Premar) et le Centre opérationnel de la fonction garde-côtes (COFGC), l’équipe SMIT Salvage (spécialiste dans l’assistance de navires en perdition) est mise en place à bord du Modern Express, grâce au Caïman Marine, pour faire cesser le danger à la navigation. En parallèle, un représentant de cette société participe à un second vol d’observation et d’évaluation depuis un avion F406 des douanes françaises. À ce stade, tous les efforts se sont concentrés sur la sauvegarde de l’équipage puis sur une tentative de remorquage. En quatre jours, plus de 30 treuillages sont effectués pour équiper le pont du navire.
UNE REACTION IMMÉDIATE ET ADAPTEE DE LA MARINE
Le 31 janvier, le Caïman Marine décolle de Lanvéoc-Poulmic pour récupérer une élingue de remorquage à La Rochelle. Dans des conditions très difficiles, le remorquage est ensuite rendu possible grâce à la grande implication et au savoir-faire des marins engagés. Le Modern Express est alors remorqué jusqu’au port de Bilbao : il n’était plus qu’à 24 nautiques (environ 40 km) des côtes. Même dans les situations les plus complexes, la Marine apporte une réponse rapide et efficace, en coordination avec les différentes administrations.
La SNSM : 50 ans d’existence
Du 12 mai au 31 décembre 2017, dans le cadre des 50 ans de la SNSM et des CROSS, le musée de la Marine de Port-Louis (Lorient) présente l’exposition « Mayday ! Voix et visages du sauvetage en mer », une exposition mettant en lumière les bénévoles de l’association. La Poste célèbre également ces 50 ans par l’émission d’un timbre spécial réalisé par le peintre officiel de la Marine Nicolas Vial h et édité à près d’un million d’exemplaires. La SNSM a obtenu le label « Grande Cause nationale 2017 ».
En chiffres
• 5 987 personnes secourues (bilan 2016)
• 3 256 interventions de sauvetage (bilan 2016)
• 3 220 sauveteurs embarqués bénévoles
• 242 postes de secours en plage
• 218 stations permanentes de sauvetage
• 32 centres de formation et d’intervention
• 5 931 heures d’intervention (bilan 2016)
• Interventions 7/7j, 24/24 h, en 19 minutes
Témoignage
CV Jean-Marin d’Hébrail, ancien commandant de la FASM Primauguet
« Durant 5 jours, après plusieurs péripéties, une remorque a finalement pu être passée par une équipe spécialisée entre le navire et un remorqueur affrété, à quelques heures d’un échouage potentiel : le Modern Express n’était plus alors qu’à 24 nautiques des côtes. Le Primauguet a été employé comme plate-forme de sauvetage avancée. Certaines de ses capacités se sont avérées déterminantes : sa tenue à la mer par gros temps, ses capacités de transmissions, son infirmerie (un des intervenants a été blessé lors d’un des essais de remorquage) et surtout son hélicoptère et sa plate-forme. C’est le préfet maritime qui, depuis Brest, a commandé les moyens, tandis que le Primauguet les a coordonnés à l’échelon local. C’est donc une chaîne militaire éprouvée qui a été mise au service d’une opération civile, avec succès. »
SOS Méditerranée : humanité et engagement
Créée en 2015 par des citoyens de la société civile européenne, SOS Méditerranée est une association qui porte secours aux personnes en détresse dans des embarcations de fortune en haute mer Méditerranée. Son action est basée sur les principes humanitaires d’urgence et de solidarité en mer. De février 2016 à mai 2017, en 118 opérations de sauvetage, plus de 19 000 personnes ont été recueillies à bord de l’Aquarius (dont 20 % de mineurs non accompagnés) dont 14 444 directement secourues par les sauveteurs de SOS Méditerranée et 4 652 par transfert depuis d’autres bateaux. SOS Méditerranée a obtenu le label « Grande Cause nationale 2017 ».
Interview
© EMMANUEL PAIN
Xavier de la Gorce, président de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM)
Monsieur le président, la SNSM est un acteur incontournable du monde maritime. Quelles en sont les missions ?
La SNSM assure aujourd’hui plus de 50 % du sauvetage en mer en zone côtière. Elle rassemble 7 000 bénévoles, dont 4 400 « canotiers » embarqués, qui sont en permanence aux ordres des CROSS, sous l’autorité des préfets maritimes. Nous formons chaque année 1 300 nageurs sauveteurs que nous équipons et mettons à disposition des communes pour armer chaque été les postes de secours sur leurs plages.
Nous assurons aussi une mission de prévention des risques auprès des usagers de la mer par un effort important de communication. Les sauveteurs en mer portent secours à environ 8 000 personnes en difficulté chaque année, majoritairement des plaisanciers et pratiquants de loisirs nautiques.
Quelles sont les interactions entre la SNSM et la Marine ?
Les liens de la SNSM avec la Marine sont historiquement très forts et anciens. La SNSM est issue de deux « sociétés » fondées au XIXe siècle, la Société centrale de sauvetage des naufragés et les Hospitaliers sauveteurs bretons, qui rassemblaient essentiellement des marins professionnels organisés pour se porter mutuellement secours, par solidarité. Ce lien « culturel » a perduré, la SNSM ayant été présidée sans discontinuité par un amiral de 1967 à 2013. Les liens restent forts aujourd’hui au plan opérationnel, de nombreux anciens de la Marine ayant rejoint la SNSM. Nos stations opèrent et s’entraînent souvent en lien étroit avec les moyens de l’action de l’État en mer, en particulier avec les hélicoptères de l’aéronautique navale.
Quels sont les moyens mis en œuvre pour accomplir les missions ?
Nous mettons en œuvre environ 500 embarcations, du canot tous temps (CTT) de 18 m jusqu’au scooter de mer, en passant par plusieurs types de vedettes et de semi-rigides. C’est une flotte diversifiée, répartie sur 219 stations de sauvetage sur le littoral et 32 centres de formation et d‘intervention sur le territoire. Elle exige un effort important de suivi et d’entretien pour la maintenir en condition opérationnelle de façon durable.
Quels sont les principaux enjeux et objectifs de la SNSM ?
J’insiste toujours sur trois enjeux fondamentaux. Le premier porte sur la ressource humaine. Il s’agit d’assurer le recrutement de qualité de nouveaux sauveteurs, pour lesquels nous aurons un effort de formation important à fournir. Ils seront sans doute moins expérimentés que leurs aînés alors que les exigences de qualification demeurent identiques.
Le deuxième enjeu est la modernisation de la flotte : dans les dix ans à venir, nous devrons faire face à un important besoin de renouvellement de nos moyens nautiques, notamment hauturiers. Le troisième enjeu est lié aux deux premiers, c’est le nerf de la guerre. Il nous faut absolument préserver nos capacités de financement de façon durable, à la fois en consolidant le soutien des pouvoirs publics mais aussi en élargissant le socle de nos donateurs particuliers et mécènes. C’est l’objectif des campagnes d’information et d’appel à la générosité que nous diffusons deux fois par an.
Pour conclure, un mot sur le cinquantenaire de la SNSM ?
L’année du cinquantenaire de notre association est une opportunité pour diffuser nos messages à l’occasion des événements qui se déroulent sur le littoral. Le Gouvernement nous a soutenus avec l’attribution pour l’année 2017 du label « Grande cause nationale » accordée au sauvetage en mer qui, au-delà de la reconnaissance qu’il offre, nous ouvre un accès facilité aux médias publics. L’institution d’une Journée nationale des sauveteurs en mer dont la première édition est organisée fin juin, avec le soutien du Secrétariat général de la mer et des préfectures maritimes, sera aussi l’occasion de faire rayonner plus largement nos appels à la solidarité.