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« 2014-2017, années riches en défis pour les États de l’UE »    VAE Charles-Édouard de Coriolis

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Après avoir commandé la Force océanique stratégique (FOST), le vice-amiral d’escadre Charles-Édouard de Coriolis est, depuis septembre 2014, le représentant militaire de la France auprès de l’Union européenne et de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN). Alors qu’il quitte la Marine après 38 ans de service, il dresse le bilan des actions françaises au profit de la sécurité et de la défense dans le cadre de la construction européenne. 

© DENNIS KRAFT/EUROPEAN TRAINING MISSION

 

COLS BLEUS :Amiral, on parle d’une relance de l’Europe de la défense. Concrètement comment cela se traduit-il pour la mission militaire que vous dirigez ? 

VAE CHARLES-ÉDOUARD DE CORIOLIS : La relance du projet européen passe par un effort dans le domaine de la défense de l’Europe. Les menaces de déstabilisation de l’Union européenne (UE) viennent de l’extérieur (maintien d’une capacité à intervenir), mais maintenant aussi de l’intérieur de l’Union et se traduisent par des actes de terrorisme et de cybercriminalité.

L’UE veut protéger ses citoyens contre cela, donc protéger ses frontières (pour endiguer la crise migratoire), être capable d’intervenir à l’extérieur (renforcement de la sécurité internationale, maintien de la paix) et aider les pays tiers à contenir leurs difficultés internes susceptibles de déborder en Europe (les aider à construire leurs capacités de sécurité et de défense). Vous avez là les trois axes de la stratégie globale de sécurité et de défense de l’UE.

2014-2017, trois années riches en défis, mais aussi en avancées pour les États-membres de l’UE impliqués dans la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC). Au niveau du comité militaire, notre priorité a toujours été le soutien aux missions et opérations militaires de l’UE. Ces missions sont au nombre de six : les deux missions maritimes (Sophia et Atalante), la mission Althéa en Bosnie-Herzégovine qui dispose du soutien du Grand Quartier général des puissances alliées en Europe (Supreme Headquarter Allied Powers Europe ou SHAPE) par les accords de Berlin+ et les trois missions d’entraînement au Mali (European Union Training Mission in Mali ou EUTM), en Centre-Afrique et en Somalie. Elles s’intègrent dans une architecture de sécurité plus vaste qui comprend les Nations unies, l’Union africaine et bien sûr les opérations nationales françaises, mais ne peuvent se développer que sous la protection d’accords politiques robustes (accords d’Alger pour le Mali, de Skhirat pour la Libye, ou du forum de Bangui) et d’un financement pérenne par le biais du mécanisme naissant de Construction de capacités à l’appui de la sécurité et du développement (Capacity Building in Support of Security and Development ou CBSD) qui vient de passer une étape supplémentaire au Parlement européen.

 

C. B. :Pouvez-vous détailler ce soutien ?

VAE de C. : Ce soutien commence par une participation active à la construction de la planification stratégique en diffusant les orientations du Centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) dès les premières versions grâce à l’action de nos officiers insérés. Ensuite, le renforcement de la chaîne de commandement militaire s’est fait avec la mise en place de la MPCC (Military Planning and Conduct Capability ou Capacité militaire de planification et de conduite), un embryon de quartier général pour les missions non-exécutives de l’UE. À peine en place, cette nouvelle structure a subi l’épreuve du feu avec l’attaque de Bamako, le 18 juin, au cours de laquelle un soldat portugais d’EUTM Mali a perdu la vie. La création de la MPCC résulte d’un travail de longue haleine, initié en 2012, et qui se poursuivra dans les mois à venir. Il s’agit, sans doute, d’une première étape vers un véritable quartier général.

Par ailleurs, la lutte antiterroriste reste au cœur des préoccupations européennes, à ce titre, le général de corps d’armée de Saint-Quentin, sous-chef opérations à l’état-major des armées, a présenté le 13 juin devant le Comité politique et de sécurité (CoPS), composé des 28 ambassadeurs en charge de la Politique de sécurité et de défense commune, la contribution militaire française à la lutte contre le terrorisme, que ce soit sur le territoire national, au Sahel ou au Levant. À l’heure où l’UE examine un nouveau cadre d’intervention dans les pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), la mise en cohérence des actions dans cette région est plus que jamais nécessaire. Le président de la République avait d’ailleurs annoncé le 2 juillet à Bamako le lancement d’une Alliance pour le Sahel, conçue en lien étroit avec l’Allemagne et l’Union européenne. Le lancement s’est matérialisé à Paris le 13 juillet, en marge du Conseil des ministres franco-allemand.

Enfin, le domaine du développement capacitaire n’est pas en reste, avec les propositions de la Commission de mise en place d’un programme de recherche et développement des capacités de défense. Il s’agit d’une véritable révolution culturelle pour les institutions européennes qui se sont construites sur les ruines de la Seconde Guerre mondiale. Le choc des nombreux attentats qui a parcouru l’Europe a évidemment joué le rôle d’un catalyseur en visualisant le lien direct entre sécurité intérieure et sécurité extérieure. Cette construction innovante doit être comprise comme un incitatif fort de la Commission, mais qui ne peut intervenir qu’en multiplicateur d’efforts des États-membres.

©DENNIS KRAFT/EUROPEAN TRAINING MISSION - Le VAE de Coriolis (au centre) entouré de ses homologues européens.

C. B. : Comment voyez-vous le rôle de nos forces armées, et plus particulièrement de la Marine, au sein de l’Alliance Atlantique ?

VAE de C. : Les opérations maritimes de l’Union européenne et de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) sont aujourd’hui très concentrées sur le continent européen et dans le nord-ouest de l’océan Indien. La juxtaposition des opérations et l’impossibilité pour les nations d’honorer les générations de force pénalisent l’efficacité de ces opérations.

Le partage des zones d’opérations maritimes entre l’UE et l’OTAN doit être systématiquement recherché pour éviter les duplications et assurer ainsi une couverture mondiale de l’influence européenne sur ses voies d’approvisionnements stratégiques et dans l’affirmation de ses positions politiques auprès des puissances régionales (Chine et Inde en particulier).

La menace A2AD (Anti-access and area denial ou déni d’accès et d’interdiction de zone) a d’abord été étudiée par le biais des opérations aériennes, mais la liberté de circulation des approvisionnements stratégiques, garantie du renforcement nécessaire dans le cadre de la défense collective, est également un sujet maritime. Que ce soit en haute mer ou dans les principaux détroits, la capacité de la Marine à projeter « puissance et forces » est recherchée par nos Alliés. Un très petit nombre de pays peut faire valoir des capacités de lutte anti-
sous-marine selon le bon vieux concept de la coordination des moyens.

 

C. B. : Comment vivez-vous au quotidien votre double responsabilité de représentant militaire auprès de l’UE et de l’OTAN ?

VAE de C. : Avoir les deux casquettes est fondamental, c’est une grande force qui me permet de coordonner les deux côtés de Bruxelles alors que la coopération entre l’Union européenne et l’OTAN représente un axe de progrès certain. Beaucoup reste à faire, mais comment imaginer que, sur un théâtre comme la Méditerranée, les missions de l’UE et de l’OTAN se croisent sans se parler alors qu’il s’agit des mêmes unités qui, selon les demandes ou besoins opérationnels, passent d’un contrôleur opérationnel à l’autre au gré des missions. Il suffit pour s’en rendre compte de regarder nos patrouilleurs de haute mer passer sans broncher du contrôle de l’embargo dans le golfe de Syrte au profit de Sophia, à l’activité de l’OTAN en mer Égée pour tenter de localiser des boîtes noires sur le chemin du retour vers la Méditerranée centrale.

Le domaine maritime est la vitrine de ce monde où l’information et les prises de décision se connectent et se déconnectent à la demande. Agiles et endurants, les bâtiments de guerre sont déjà aux ordres de plusieurs chefs aux diverses délégations de commandement puisque seul le commandement national prime.

 

C. B. : Au moment de quitter l’institution après 38 années de service, quel message souhaiteriez-vous adresser aux lecteurs de Cols Bleus ?

VAE de C. : J’emmènerai avec moi tous les bons souvenirs accumulés au fil d’une vie riche et variée sachant qu’une nouvelle génération d’hommes et de femmes, aussi généreuse que spontanée, focalisée sur la réussite de la mission, a pris le relais.   

 

Propos recueillis par LV François Séchet


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